Conférence romande des sections
Investir dans le personnel !
Bonne cuvée que cette conférence des sections 2023. Non seulement la participation a été très bonne mais également la qualité des débats et des interventions pour mettre en perspective les points forts qui nous attendent cette année. Seule une revalorisation des salaires et des conditions de travail permettra de résoudre le problème d'attractivité de la branche des transports et de la pénurie de personnel.
« Avec plus de 70 membres inscrits, soit avec le personnel du SEV plus de 80 personnes, c’est un vrai succès » a relevé dès le début de la matinée Tony Mainolfi, maître d’œuvre de la conférence romande des sections qui se tenait le 2 février à l’Espace Dickens à Lausanne (voir notre gallerie de photos ci-dessous). « Il faut surtout relever la bonne représentation de toutes les sections des ETC et des CFF » a-t-il ajouté. Matthias Hartwich, le nouveau président du SEV et dont c’était en quelque sorte le baptême du feu à son deuxième jour officiel de travail, rappela son parcours syndical et dit sa fierté de travailler au SEV où la base est si active.
Valérie Solano, vice-présidente, a ensuite présenté les points forts du SEV en 2023. La question des agressions envers le personnel des transports publics et la numérisation qui doit accompagner et non pas remplacer l’humain sont deux préoccupations centrales pour le SEV. Un accent sera aussi mis au niveau de la syndicalisation dans le secteur administratif et chez les nouveaux acteurs du trafic marchandise.
Matthias Hartwich a ensuite souligné que face aux enjeux importants auxquels nous allons devoir faire face, nous aurons besoin d’un syndicat encore plus fort pour bien se défendre. Les employeurs publics deviennent plus agressifs. D’où l’importance d’arriver à 2000 nouveaux membres aussi en 2023. La question de la libéralisation sera le vrai danger pour les transports publics : « Nous résisterons à tous les essais en ce sens » a-t-il prévenu.
Christian Fankhauser, vice-président, a insisté sur l’importance du recrutement en raison également du renouvellement des effectifs avec le départ à la retraite prochainement de la génération du babyboom. Il y a donc un grand travail syndical qui nous attend auprès des jeunes, des femmes, de l’administratif et du transport marchandise. Cela se fera par notre présence sur le terrain. La question de savoir avec qui on négocie pour les salaires avec des entreprises qui se cachent derrière les commanditaires pour crier famine et les inquiétudes pour le deuxième pilier sont apparues dans la discussion qui a suivi.
L’après-midi, l’économiste et conseiller national socialiste vaudois Samuel Bendahan a fait un exposé pour répondre à la question de la pénurie de personnel et d’attractivité de la branche. Il a montré que les salaires ne sont pas si bons dans la branche, ce qui est un frein pour l’attractivité, en particulier pour ceux qui entrent dans la profession. La moitié des nouveaux arrivés dans la branche bus gagnent moins de 5460 francs alors que les conditions de travail sont éprouvantes. La moitié des nouveaux cheminots gagnent moins de 6040 francs.
L’autre problème, c’est la perte de pouvoir d’achat avec l’explosion des prix et donc de l’inflation depuis 20 ans qui a particulièrement frappé les classes moyennes. Or, l’indice des prix à la consommation (IPC) rend très mal compte de cette inflation. Il ne tient pas compte de l’explosion des primes d’assurance-maladie (+250% en 20 ans) ni des loyers, parfois jusqu’à 33% du revenu, qui ont augmenté de 30 à 40% depuis 20 ans. Pour Bendahan, les revendications pour l’indexation devraient donc être trois fois plus élevées. On a ainsi assisté à une détérioration importante du pouvoir d’achat. Le paradoxe c’est que la productivité du travail a énormément augmenté. Si en 30 ans les salaires ont augmenté de 15%, ce que les travailleurs ont fait gagner à l’économie a progressé de 30% ! Où sont donc passés les 15% manquants demande Bendahan ? La richesse on en crée, mais elle a été très mal répartie ! Une bonne part file dans la poche des 300 plus riches dont la fortune explose. Le problème, c’est que l’investissement dans le personnel est le cadet des soucis d’une entreprise. Ainsi dans le monde du transport, les dépenses entre 2010 et 2019 ont augmenté de 40% pour le coût du capital, de 35% pour les machines et de 29% pour le personnel. Si l’on n’hésite pas à investir dans l’infrastructure, à payer davantage les fournisseurs, le personnel, lui, est la dernière priorité. Il a donc, proportionnellement, plus à faire et la pression devient donc plus élevée.
Il faut en outre investir davantage dans les transports publics pour qu’ils soient plus attractifs dans les régions périphériques. Tant que cela reste plus pratique de prendre la voiture, même si cela coûte en réalité très cher, le transport individuel l’emportera. Pour Bendahan, ce n’est que par la mobilisation syndicale que la pression peut se faire sur les politiques et les directions pour qu’il y ait une meilleure répartition et donc une meilleure attractivité de la branche.
Yves Sancey (texte et photos)